09 MAR 2023

Pierre-Louis Desprez : « Innover, c’est garder sa pérennité »

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L’innovation ne se limite pas à la technologie. Elle peut prendre de nombreuses formes, telles que l'expérience client ou le changement de modèle économique. Entretien avec Pierre-Louis Desprez, consultant en innovation.

L’innovation fait penser à la technologie. Or, ce n’est pas nécessairement le cas, n’est-ce pas ? 
La technologie est un des moyens traditionnels pour trouver des innovations mais il y en a bien d’autres. On voit beaucoup d’entreprises qui innovent sur l’expérience client. Par exemple, à Maurice, le Thermomix ne se vend pas en magasin mais à domicile. De même, on entend souvent nos dirigeants parler de changement de modèle économique et c’est pour des raisons très simples – ça coute moins cher que les autres. Développer un nouveau produit est une façon traditionnelle de faire de l’innovation mais c’est bien plus subtil quand on change de modèle économique puisqu’en réalité, vous ne changez rien à votre offre, juste la façon de la vendre. C’est ce que fait Michelin – ils vendent des kilomètres, pas que des pneus. On peut décider qu’au lieu de vendre à l’unité, en volume, on vendra désormais en abonnement – c’est cela le changement de modèle économique et c’est cela aussi l’innovation. 

La technologie va bien évidemment nous aider mais dans de très nombreux cas, on n’a pas besoin d’elle. Mais je veux insister sur un point ; la technologie ne doit pas faire peur, il faut l’utiliser. Facebook n’a pas créé l’Internet mais le fondateur de Facebook a été très malin en utilisant l’Internet et ses possibilités. 

Mais difficile quand même d’innover sans capital ? 
La première chose qu’il faut pour innover, c’est une idée. Sans idée, n’y a pas d’innovation. La deuxième chose c’est de consacrer du temps à son idée. La toute première des ressources, c’est le temps. Il y a beaucoup d’entreprises qui gâchent leurs idées parce qu’elles ne consacrent pas assez de temps pour des petites idées qui sont des germes. Et enfin, il faut des moyens. Avant l’argent, il faut des compétences – quand on a une idée, des compétences et de l’envie, on trouve de l’argent. C’est souvent le moyen nécessaire pour développer ces services. Mais innover c’est aussi être capable de trouver l’argent. Et pas juste de dire « j’ai une idée maintenant donnez-moi de l’argent ». Ça ce n’est pas un entrepreneur. 

Pourquoi faut-il innover ? 
Sur l’ensemble des entreprises qui existent, on observe une seule chose – elles ont régulièrement innové – pour deux raisons ; il y a des concurrents sur un marché, qui eux n’attendent pas pour innover et deuxièmement, il y a des clients qui peuvent avoir des besoins nouveaux qui arrivent en fonction des tendances de société – par exemple, en ce moment, avec le réchauffement climatique dans tous les coins de la planète, il y des clients qui veulent consommer et vivre différemment. Donc pour l’entreprise, innover, c’est garder sa pérennité. 

Est-ce que la COVID-19 a accéléré cet impératif d’innovation ? 
Je pense que quand on reste chez soi pendant un an, on a le temps de penser et de se demander ce qu’on va faire de sa vie. Soit on recommence comme avant, soit on se dit que finalement être chez soi ou entreprendre ou travailler différemment, c‘est peut-être aussi un nouveau projet de vie. On peut dire que paradoxalement, ce confinement qui coûte si cher aux économies sur la planète à cause de l’inflation qu’elle a provoquée, a généré de nouvelles idées chez des gens qui se sont dit « je vais faire autre chose de ma vie ». Innover, c’est entreprendre, entreprendre, c’est faire quelque chose de sa vie, seul ou avec les autres et donc effectivement, l’environnement qui a été généré par ce confinement a fait naître de nouvelles idées. Elles étaient déjà présentes pour certaines auparavant et le confinement n’a fait qu’accélérer le phénomène. On parle du great resignation sur certains marchés, ces salariés qui ne veulent plus aller en entreprises mais qui veulent entreprendre. 

C’est donc surtout une question d’état d’esprit, pas une question de gros sous ou de connexions ? 
C’est multi facteur mais le premier des facteurs, c’est le désir. D’où vient mon énergie ? Si je désire, j’ai de l’énergie, je vais vers un futur. Il y a quelque chose qui me manque, je veux le combler. Ça peut être un projet personnel, ça peut être défendre une cause, incarner un rêve – chacun va avoir sa motivation et ensuite, il est certain qu’innover tout seul est très difficile. La logique même de l’entreprise est une logique de réseau et de groupe pour une raison très pragmatique – on a plus d’idées quand on est en groupe que quand on est tout seul. Deuxièmement, entreprendre et innover, c’est résoudre en permanence des problèmes, chercher des solutions et on est plus malin quand on est nombreux ! 

Est-ce que l’innovation peut aussi redresser une certaine balance sur le marché, en permettant aux petites entreprises de concurrencer les plus grandes ? 
L’histoire de l’économie est une histoire de start-ups qui réussissent et de start-ups qui échouent. Tous les grands groupes actuels, dont certains sont des leaders depuis plusieurs décennies voire des siècles, ont toujours commencé petits. L’économie, le marché de l’économie, se ressource avec sans cesse de nouvelles pousses qui arrivent, donc c’est presqu’une logique biologique, une loi du vivant, donc la naissance de petites entreprises arrive parce qu’il y a des besoins clients et c’est parce qu’il y a des offres qui existent sur le marché dont certaines ne sont plus satisfaisantes. Donc on va essayer de faire mieux, moins cher ou plus cher avec plus de valeur ajoutée. C’est la compétition des désirs, des idées dans des sociétés qui ne cessent de changer. Nos besoins évoluent et il y a sans cesse un appel vers de nouvelles propositions, de nouvelles entreprises. 

Quelle est votre opinion du niveau d’innovation à Maurice ? 
Maurice a été évaluée à la 45ème place sur 132 pays par le Global Innovation Index ; la preuve que cette nation est faite d’entrepreneurs qui innovent. Il y a des conglomérats, il y a des artisans, il y a des commerçants, il y a des toutes petites entreprises, il y a des entrepreneurs individuels. Ce qu’on observe en revanche, c’est que l’entreprise Maurice est en retard sur certains critères notamment sur le développement humain, les ressources humaines qui sont déterminants dans le succès et l’innovation. Il y a des enjeux humains pour rester dans la compétition, les réseaux et aussi l’évolution des modèles économiques parce que le monde change. On a besoin de nouveaux modèles économiques, on ne peut pas vivre éternellement sur un modèle de tourisme, qui consomme autant de pétrole. Il va falloir trouver d’autres solutions touristiques donc il y a un enjeu pour Maurice de se réinventer. 

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