08 JUL 2022

Marie-Christine Oghly : « Avec le COVID, c’est souvent la femme qui a mis en sommeil son entreprise »

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La Présidente de la FCEM (Femmes Chefs d’Entreprises Mondiales) évoquait, lors de son passage à Maurice, la condition des femmes entrepreneures et les opportunités en matière d’économie circulaire et de développement durable, deux mouvances auxquelles adhèrent déjà les citoyens et sur lesquelles les entreprises sont de plus en plus nombreuses à se greffer.

Vous avez été élue Présidente des Femmes Chefs d’Entreprise Mondiales (FCEM) fin 2017. Quel est votre regard sur l’évolution de la femme en tant que chef d’entreprise ces 4 dernières années ?
J'avais vu une évolution qui était en croissance légère à travers le monde, même si on a du mal à dépasser le taux de 25 % de femmes qui créent ou reprennent des entreprises. Et puis, il y a eu le COVID et des changements au niveau politique dans certains pays, et nous avons vu un retour violent de la condition de la femme. Ne parlons donc même pas de la femme entrepreneure…

Dans certains pays, le taux d’entrepreneuriat féminin qui avait commencé à croître, a stagné. Le COVID a renforcé cet état de choses puisque beaucoup de femmes qui avaient une entreprise devaient aussi gérer leur famille. Quand il y a eu un choix à faire, c'est souvent la femme qui s’est s'occupée de la famille et qui a abandonné son entreprise, ou qui a vécu une période terrible parce qu'elle devait gérer les deux en même temps.

Force de ce constat, il faut aussi reconnaître que certaines choses vont dans le bon sens avec de nombreux pays qui ont fait le choix de l’inclusion et du développement de la féminisation des instances et de l’entrepreneuriat féminin. On a aussi vu la féminisation des directions au sein des entreprises.

De nombreux pays ont voté une loi sur les quotas au niveau des conseils d'administration, des comités exécutifs ou des comités de direction, ont mis en place des Index pour mesurer l’égalité hommes-femmes au sein des entreprises, et d’autres pays étudient aujourd’hui la possibilité d’adopter de telles mesures.

Globalement, on voit que dans beaucoup de pays, la cause des femmes est prise en compte. Néanmoins d’autres reculent en matière de droit des femmes.

Vous étiez de passage à Maurice pour le congrès mondial de la FCEM qui avait pour thème : « The Circular Economy - Women Entrepreneurs as the Driving Force of Change ». Pourquoi ce choix?
Le choix de notre premier thème pour ce congrès a été l'économie circulaire. L’île Maurice est un des pays précurseurs en matière d'économie circulaire et vous êtes aussi en en première ligne avec la montée des eaux causée par le changement climatique. Donc, le thème correspondait tout à fait au lieu.

On entend justement beaucoup parler d’économie circulaire. S’agit-il là d’un « buzzword » du moment ou sentez-vous une réelle évolution au niveau du monde des affaires ?
Je dirais un peu des deux. On voit que l'industrie s'est emparée du sujet et comprend qu’il faut vraiment ralentir le processus de cette évolution rapide du changement climatique et de ses effets. On le sait : il faut qu'on réagisse maintenant.

Ça, les entreprises l'ont compris et y adhèrent. Mais surtout, ce qu’il faut faire ressortir c'est que les citoyens ont adhéré à ces sujets immédiatement. Prenons l’exemple simple du tri des déchets. Les gens l’ont adopté. Ils utilisent aussi de moins en moins de plastique et il ne s’agit pas uniquement d’un phénomène de mode. À partir du moment où les entreprises et les citoyens adhèrent à et adoptent quelque chose, ce quelque chose va continuer à se développer. Et c’est pour ça qu’il y a aujourd’hui une vraie opportunité pour les femmes chefs d’entreprises.

Quelles sont justement ces opportunités ?
On parle de secteurs dans lesquels on retrouve souvent les femmes. Je pense par exemple au secteur agroalimentaire. D’autres secteurs sont aussi porteurs d’opportunités, par exemple le secteur de la construction ou encore le textile où l’aspect développement durable prend de l’ampleur.

Le fait de rationaliser les choses, ou encore de les remettre dans le circuit – c'est quelque chose dont les femmes ont commencé à s'emparer depuis longtemps. Aujourd’hui elles ont donc l'opportunité de créer des structures pérennes. Les hommes ont peut-être moins rapidement pris ce sujet en main. Comme les femmes ont été précurseurs, il faut qu'elles profitent de cette opportunité et qu'elles développent ce secteur.

Comment est-ce que les femmes entrepreneures dans des pays en voie de développement largement dépendant des importations, tel que Maurice, peuvent faire émerger une économie circulaire ?
Moi j'ai entendu parler d'économie circulaire, de manière profonde, dans les pays émergents. Dans les pays industrialisés, c'était plus un phénomène de mode même s’il devient heureusement maintenant quelque chose de pérenne.

Par contre, quand je vais en Amérique latine en en Afrique, on me parle beaucoup de cette problématique de développement durable et je vois que nombreuses actions ont été mises en place avant des pays comme la France ou d’autres pays. L’économie circulaire a déjà émergé dans plusieurs pays en voie de développement.

Quelles mesures (à différents niveaux) doivent selon vous être mises en place pour encourager l’économie circulaire ?
En tant que chef d’entreprise, je ne suis pas favorable à ce qui est obligation ou législation supplémentaires, mais il faut reconnaître que si nous n’y arrivons pas suffisamment vite, c’est le seul moyen d’imposer un changement.

Il faut commencer par montrer l'exemple, montrer les « best practices » dans tous les domaines, par exemple avec les enfants au niveau de l'éducation. Après, bien sûr que si à un moment on n'y arrive pas, on peut appliquer certaines sanctions. Ce qu’il faut, c’est faire prendre conscience aux gens des dégâts qu’ils sont en train de causer et de l'incidence que cela va avoir sur un futur de plus en plus proche. Selon moi, le plus important c’est l'éducation. Bien évidement, des événements tels que les conférences, pour parler des sujets et communiquer dessus, sont eux aussi importants.

Y-a-t-il des modèles dont les entrepreneures mauriciennes pourraient s’inspirer ?
Il y a en a beaucoup à travers le monde. Quand nous étions au Pérou en 2019, nous avons vu l’exemple d'une Mexicaine qui réutilise des bouteilles pour la production de tequila en ayant basé tout son développement sur des principes d'économie circulaire.

Il y a aussi certaines nouvelles méthodes à appliquer, notamment au niveau de la consommation d’eau pour la production. On voit d’ailleurs beaucoup de femmes dans les différents pays qui adoptent ce genre de modèle. Cela s’appliquerait évidement au secteur du textile mais aussi à d’autres.

Au sein de la FCEM, nous avons proposé à tous les pays membres de travailler sur le thème de l’économie circulaire cette année et de faire un état des lieux de la situation dans le pays, des best practices, et de recenser ce qui pourrait servir dans d’autres pays. Nous allons compiler tous ces rapports pour en faire un livre blanc qui sera remis, entre autres aux Nations Unies.

Est-ce que le regard sur la femme chef d’entreprise a changé ?
Oui, les femmes commencent à être beaucoup mieux acceptées dans les milieux du pouvoir économique. Par exemple une femme est présidente de la Chambre de Commerce à Maurice, ce qui représente une véritable évolution parce qu’il y en a encore très peu au niveau mondial. Je viens d'être élue vice-présidente de la World Chambers Federation qui représente l’ensemble des chambres de commerce et qui fait partie de l’International Chambers of Commerce. Donc, les choses avancent. Et il y a une vraie volonté de féminiser toutes ces instances et on le sent.

De nombreux changements sont en cours, parce que les femmes poussent et aussi parce qu’il y a des hommes qui adoptent cette cause.

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